Si la publicité sur écrans numériques dans les espaces publics (DOOH : Digital Out-Of-Home) constitue le levier marketing qui montre la plus forte croissance (estimée à 16%), il n’en reste pas moins qu’elle ne constitue aujourd’hui que 10% de l’affichage traditionnel en France.

Est-ce que la réglementation favorise ou défavorise son développement ?

Nous nous sommes penchés sur la question, voici quelques éléments de réponse.

DOOH et Code de l’Environnement

Le Code de l’Environnement est un ensemble de textes juridiques qui régissent le droit de l'environnement en France. Il vise à protéger la nature, la biodiversité, la santé humaine et le patrimoine culturel face aux activités humaines qui peuvent les menacer ou les dégrader.

A ce titre, il encadre l’exploitation de dispositifs publicitaires dans les espaces publics extérieurs, principalement dans le but d’éviter une pollution visuelle importante.

Il comprend donc un Règlement National de la Publicité (RNP), qui peut être décliné ou amendé en Règlement locaux, les RLP (Règlement Local de la Publicité), dont la bonne définition et l’exécution sont sous la responsabilité du maire ou du président de l’établissement public de coopération intercommunale.

Outre des conditions de surface et de densité, le RNP limite les publicités numériques aux agglomérations de plus de 10 000 habitants et impose une extinction nocturne.

Les RLP sont souvent des annexes au Plan Local d’Urbanisme (PLU). Ils régissent principalement les dispositifs publicitaire installés sur la voie publique, mais peuvent s’étendre aux publicités lumineuses situées à l'intérieur des vitrines ou des baies d'un local à usage commercial, si elle sont destinées à être visibles depuis une voie ouverte à la circulation publique.

Concernant les publicités numériques, la situation est contrastée.

Quelques exemples (volontairement simplifiés) :

Étude des RLP des principales villes françaises
  • Elle est interdite à Paris.
  • Dans la métropole Lyonnaise, elle est interdite ; de plus, les écrans dans les vitrines sont limités à 2m2 dans les zones commerciales, 1m2 sinon. Ces derniers sont de plus soumis à une extinction nocturne.
  • Elle est réservée au mobilier urbain (abribus) à Grenoble, et uniquement dans les zones à fort passage
  • A Marseille et sa métropole, elle est cantonnée au mobilier urbain du centre ville et de quelques zones commerciales
  • Sur la métropole Lilloise, le RNP est appliqué avec une extinction nocturne plus stricte
  • A Bordeaux, seul le mobilier urbain peut accueillir la publicité numérique (max 2m2) dans les secteurs d’intérêt patrimonial; elle est admise dans les axes structurants et zones d’activité jusqu’à 6m2, interdite partout ailleurs.
  • Dans la métropole nantaise, elle est admise dans les zones d’activité (limitée à 2m2 et sous condition de densité), mais réservé au mobilier urbain ailleurs.

Si la volonté de décentralisation est louable, elle a générée de multiples conditions selon les métropoles et à l’intérieur de ces communautés (jusqu’à 17 zones distinctes pour Marseille par exemple). Pour les propriétaires qui souhaite rentabiliser leur bien avec de la publicité ou les installateurs de panneaux numériques, il est difficile de s’y retrouver. Pour les annonceurs, l’offre DOOH peut donc varier grandement, et ne pas correspondre parfaitement à leurs enjeux régionaux.

On peut également noter que les panneaux numériques du DOOH sont souvent soumis à une réglementation plus restrictive que les affichages papiers.

L’argument avancé est qu’ils sont plus visibles, plus lumineux et animés, et qu’ils attirent donc plus l’attention des passants. Ce qui est une bonne chose pour les annonceurs en serait une mauvaise pour le bien-être des administrés.

On peut aussi y voir un principe de précaution des maires vis à vis de ce nouveau média, moins connu et maîtrisé que les affiches classiques.

En résumé, le code de l’environnement est très restrictif dans la plupart des métropoles, ce qui conduit les promoteurs du DOOH à se tourner vers le domaine privé (centres commerciaux, gares, aéroports) et les vitrines de boutique en centre-ville (bien que ce dernier domaine soit aussi de plus en plus encadré).

DOOH et Politique

Bien évidemment, les règlements de la publicité sont influencés par des considérations politiques.

Les mairies et métropoles avec une sensibilité écologique s’attirent les faveurs de leur électorat en promettant de réduire considérablement les dispositifs publicitaires dans leur villes.

Quelques exemples ci-dessous :

Les opposants à la publicité extérieure avancent principalement deux arguments.

  • Le premier est lié à la surconsommation et prône une décroissance. Ainsi, Philippe Guelpa-Bonaro, vice-président délégué au climat, à l’énergie et à la réduction de la publicité à la Métropole Lyonnaise assume : « La publicité est le bras armé du capitalisme et de la surconsommation qui détruisent la planète et exploitent les humains.»
  • Le second est lié à la consommation énergétique des panneaux numériques. Le collectif Alternatiba à Rennes dénonce : « Sur une année, un écran publicitaire de 2m2 consomme en moyenne l’équivalent des besoins d’un ménage français pour l’éclairage et l'électroménager : laisser tous ces écrans allumés en période de crise énergétique est donc absurde !»*

Si vous voulez en savoir plus sur la consommation énergétique des écrans, vous pouvez lire notre article Pourquoi faire le choix de la publicité sur écrans numériques dans les lieux publics plutôt que sur Internet ?

Dans certaines métropoles, le climat politique n’est pas favorable au développement de l’offre DOOH.

Cependant, les recettes issus de la concession d’espaces publicitaires représentent une part non négligeable du budget des mairies.

Entre effets d’annonce et rigueur budgétaire, des revirements de situation sont possibles.

DOOH et RGPD

Une objection fréquente des annonceurs à l’utilisation du DOOH concerne le ciblage et la mesure de la performance. Contrairement aux solutions web, l’affichage d’écrans dans les lieux publics rend difficile un ciblage affinitaire précis, ainsi qu’une mesure de la performance effective en terme d’impressions.

C’est pourquoi des solutions complémentaires aux offres des régies DOOH ont vu le jour pour mieux cerner les audiences autour des écrans. Ces solutions peuvent s’appuyer sur le “hacking” du positionnement GPS ou du signal WIFI des smartphones des passants, au moyen d’applications complices.

Il peut également s’agir de la présence de caméras “intelligentes” embarquées dans les panneaux numériques qui “scannent” l’audience et permet d’en dénombrer  le nombre et le type.

En l’absence de la possibilité de consentement, ou de loi fixant précisément le cadre d’exploitation des ces dispositifs, seuls les principes généraux du RGPD et de son application par la CNIL doivent guider les exploitants :

  • le responsable de traitement doit au préalable définir la ou les finalités poursuivie(s), qui devront être déterminées, explicites et légitimes.
  • les données personnelles doivent être adéquates, pertinentes et limitées à ce qui est nécessaire au regard des finalités pour lesquelles elles sont traitées.
  • les personnes concernées doivent être informées de l’objectif du traitement
  • la personne concernée a le droit de s’opposer à tout moment à ce que ses données soient utilisées par un organisme pour un objectif précis

Dans ce contexte, les dispositifs doivent démontrer un intérêt légitime, et se limiter à des traitements statistiques sur la base de données anonymes.

Ainsi le comptage des audiences doit être possible, mais la transmission en temps réel de données de fréquentation, de catégorie socioprofessionnelle, de type, d’age ou de genre à des fins d’optimisation pour les annonceurs semble exclue.

En l’absence d’évolution du cadre législatif, le ciblage et la mesure de performance des dispositifs DOOH devront donc se contenter de données contextuelles (météo, historique de fréquentation, segmentation probable, etc.).

Comme on l’a vu, le développement d’offres de type DOOH est encadré par de multiples contraintes, qui ralentissent son déploiement dans l’espace public.

Le DOOH est cependant en expansion, ses atouts étant de mieux en mieux intégrés par les annonceurs.

Le déploiement d’écrans dans le domaine privé (gares, aéroports, centres commerciaux, stades, taxis, bars, boulangeries, pharmacies…) continue à bon rythme.

On peut également anticiper une meilleure compréhension par les pouvoirs publics et les élus locaux de ses caractéristiques, les conduisant à aligner la réglementation sur l’affichage classique. De nombreux panneaux traditionnels pourraient ainsi être numérisés, accroissant significativement l’offre disponible.

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